La relation entre l'analysant(e) et son psychanalyste

La psychanalyse est une pratique de la parole. Les deux partenaires en sont l’ana­lysant et son psy­chana­lyste, réunis en pré­sence dans la même séance psy­cha­naly­tique. L’analysant parle de ce qui l’amène, sa souffrance, son symptôme. Cette souf­france est un message de son inconscient, fait de choses dites et entendues qui lui ont fait mal, et de choses impossibles à dire qui le font souffrir. Dans la parole, le langage utilise des mots connectés avec l’inconscient. L’interprétation se manifeste aussi bien du côté de l’analysant que du côté du psychanalyste. Cependant, l’un et l’autre n’ont pas le même rapport à cet inconscient car l’un en a déjà fait l’expérience et l’autre pas.

L’analysant s’adresse à son psychanalyste. Il lui prête des sentiments, des croyances, des attentes, en réaction à ce qu’il dit. Non seulement il souhaite agir sur ces croyances et attentes qu’il anticipe, mais il cherche aussi à récupérer – auprès de cet interlocuteur – quelque chose de perdu ailleurs, quelque part dans l'imaginaire. Cette tentative de récupération d’objet fournit la clef du transfert qui noue les deux partenaires. En dernière instance, lorsque l’analysant parle, – au-delà du sens de ce qu’il dit – il veut atteindre en l’Autre le partenaire de ses attentes, de ses croyances et de ses désirs. Il vise le partenaire de son fantasme. Le psychanalyste, éclairé par l’expérience sur la nature de son propre fantasme, en tient compte. Il se garde d’agir au nom de celui-ci.

Le lien du transfert suppose un lieu, le « lieu de l’Autre », qui n’est réglé par aucun autre particulier. Il est le lieu où l’inconscient peut se manifester dans la plus grande liberté de dire, et donc d’en éprouver les leurres et les difficultés. C’est aussi le lieu où les figures du par­tenaire du fantasme peuvent se déployer dans leurs jeux de miroirs les plus complexes.

L'objectif de la psychanalyse ne peut pas se réaliser en termes d’adaptation de la singularité de l'analysant à des normes, des règles, ni des déterminations standard de la réalité. La découverte de la psychanalyse est d’abord celle de l’impuissance à atteindre la pleine et entière satisfaction sexuelle. Au-delà, avec Lacan, la psychanalyse a formulé l’impossibilité qu’il existe une norme du rapport entre les sexes. S’il n’y a pas de satisfaction pleine et s’il n’y a pas de norme, il reste à chacun à inventer une solution particulière, qui s’appuie sur son symptôme.

La durée de la démarche et le déroulement des séances ne peuvent pas être standardisés. Avec Freud elles ont eu des durées très variables. Elles pouvaient aller de une seule séance, comme la psychanalyse de Gustav Mahler, ou quatre mois pour le petit Hans, ou encore un an comme l’Homme aux rats, et jusqu'à plusieurs années pour l’Homme aux loups. Depuis lors l’écart et la diversification n’ont cessé de s’accroître. La relation entre l'analysant et son psychanalyste est maintenue jusqu’à ce que l’analysant soit suffisamment satisfait de ce dont il a fait l’expérience pour quitter son psychanalyste. Ce qui est visé n’est pas l’application d’une norme, mais un accord de l'analysant avec lui-même.

La formation du psychanalyste n'est pas réductible aux normes des enseignements de l’université, ni aux évaluations des acquis de la pratique. La formation analytique, depuis qu’elle a été établie comme discours, repose sur un tripode : Des séminaires de formation théorique (para universitaires), la poursuite par le candidat psychanalyste de sa propre psychanalyse jusqu’au delà du point ultime (d’où les effets de praxis), et enfin la transmis­sion pragmatique de la pratique dans les supervisions (dialogues et partage d'expérience entre pairs sur la pratique).


Paul Dussert - janvier 1992

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